Du fond de la forêt, un grondement sourd et guttural s’élève. Cri préhistorique qui fait frémir l’oreille. Son écho plus faible ou plus grave lui répond à divers endroit des collines.
Le brame vient de commencer.
En ces derniers jours d’été, les matins froids se noient dans le brouillard et le soleil couchant embrasse l’herbe sèche des prairies. Entre chien et loup l’horizon bleuté des collines s’étale sur un lavis rose. Les insectes bourdonnent encore mais les grands corbeaux font déjà siffler l’air sous leurs plumes en planant pour annoncer la morte saison.
Le feuillage est toujours vert mais les grands cerfs ne s’y méprennent pas. Il est temps pour eux de faire leur cour et de s’imposer en roi de la forêt.
Tout là-bas au loin dans le soir tombant, des petites lumières clignotantes signalent les villages. Traces de civilisation ignorées par le rythme primal.
Allongée entre les graminées, j’entends le bruit sec des bois qui s’entrechoquent. Dans un creux du bois un petit combat se joue sans conviction. Un échauffement en vue des finals. Clac, Clac,… et puis toujours le lent beuglement qui s’écorche sous la toison des cous gonflés.
Dans l’air qui fraichit, retentit au loin le son des cloches d’une église. Le Dong, Dong paisible s’harmonise bien avec les cris des animaux sous le ciel étoilé.
Hommes et bêtes vivent leur rythme en harmonie. Je suis en harmonie quand j’entends des biches se rapprocher en broutant dans la pénombre. Le ciel, la terre humide, les sons de la nature… Tout n’est qu’un berceau de paix.
Je verse dans une tasse un peu de chocolat chaud fumant et je le savoure en observant les millions d’étoiles qui s’allument une à une dans le ciel de septembre. C’est le meilleur somnifère du monde. La tente est plantée sur un tapis d’herbes au milieu de la forêt mais je m’attarde allongée dans la prairie avec mon chocolat qui se vide en attendant que la presque pleine lune se lève. La forêt est bruissante de vie.
Le ciel s’éclaire peu à peu mais le sommet de la colline cache encore notre satellite blanc. Soudain, la bas de la prairie se teinte d’argent. Je descends plus bas et c’est alors que je la vois. Elle m’éblouit de sa blancheur éclatante. La lune, comme un spot surpuissant, vient chercher les ombres mystérieuses pour illuminer comme en plein jour dans un monde fantastique qui n’appartiendrait qu’aux elfes et aux animaux. Qu’elle est belle !
Je l’ai vue, je vais dormir. La noirceur de la forêt m’engloutit tandis que mes pas cherchent le chemin jusqu’à la tente.
Mon sac de couchage et le chocolat chaud qui m’enveloppent d’une bienheureuse torpeur m’emportent bientôt et je deviens sourde au bruissement du vent dans le feuillage et aux cerfs qui brament inlassables.
Salomé Malou
From the depths of the forest, a low rumble rises. The prehistoric call could make one shiver. A weaker or lower-pitched echo answers to it from place to place.
The red deer rut has just begun.
In these last days of summer, cold mornings are drowned in the fog and the setting sun sets the dry grass of the meadows aflame. At dusk, the blue shadows of the hills are surrounded by a pink ink. The insects are still buzzing, but the black crows already make the air whistle under their feathers to announce the coming of the the dead season.
The trees are still green but the red deers are not mistaken. It’s time for them to court and establish themselves as king of the forest.
Far away in the dusk, little lights indicate the villages. Traces of civilization ignored by the primal rhythm.
Lying on the grass, I hear the sharp sound of antlers banging. In a hollow of the forest a little fight is played without conviction. A warm-up before the finals. Clack, Clack, … and then again the slow guttural grunts coming from the depth of the wild throats.
In the air that gets chilly, the sound of church bells resound in the distance. The peaceful Dong, dong, harmonizes well with the cries of animals under the starry sky. Men and animals live their rhythm in harmony. I am in harmony when I hear does approaching while grazing in the dark. The sky, the damp earth, the sounds of nature … Everything is talking about peace. I pour some steaming hot chocolate into a cup and savor it, watching the millions of stars lighting up one by one in the September sky. It is the best sleeping medicine in the world. The tent is planted on a carpet of grass in the middle of the forest but I linger lying in the meadow with my hot chocolate while I wait for the full moon to rise. The forest is filled with life. The sky is slowly lighting up but the top of the hill still hides the moon. Suddenly, the bottom of the meadow is tinted with silver. I get up and go down to the light. That’s when I see the moon and I’m dazzled by its beautiful whiteness. Like a powerful spotlight, it pushes back all the mysterious shadows to illuminate as in a fantasy world that would belong only to fairies and animals. I saw the moon, I’m going to sleep now. The darkness of the forest takes over me as my steps search the way to the tent. My sleeping bag and the hot chocolate which envelops me in a blissful torpor soon carry me away and I become deaf to the rustle of the wind in the foliage and to the tireless deer grunts.
Salomé Malou
Magnifique !!!